En cette belle journée du 17 janvier 2007, la fameuse horloge est repassée à 23h55, soit 5 minutes avant la destruction de l’humanité. Pendant 60 ans, ce décompte a établi la proximité pour le monde d’un désastre nucléaire et nous venons d’atteindre le niveau le plus dangereux depuis près de 20 ans.
Les circonstances actuelles sont effectivement plus que favorables, les scientifiques du ‘Bulletin of the Atomic Scientists’ ne s’y sont pas trompés. La dernière réévaluation du danger atomique remonte à 2002 après les attentats du 11 septembre 2001. Pendant près de 5 ans, les titres de l’actualité n’ont cessé d’être alarmants, du gouffre meurtrier au Moyen-Orient en passant par le terrorisme international au sein des capitales occidentales jusqu’à la recherche de la police d’assurance nucléaire par plusieurs pays dits sensibles. Le changement climatique et l’insécurité de l’approvisionnement pétrolier ravivent les politiques pro nucléaires comme valeur ajoutée en terme de source d’énergie.
Nous n’avons jamais été aussi près d’un péril nucléaire depuis le début des années 80 et les moments les plus instables de la Guerre froide. Le temps avait déjà été avancé en raison de l’effritement des traités sur le contrôle des armes mais surtout par les nouveaux paramètres internationaux liés au drame du 11 septembre. Mais en ce début 2007, la photographie planétaire que nous pouvons faire s’avère être dès plus sombre.
Le ‘Bulletin’ parle à ce stade d’un ‘Second Âge Nucléaire’. Le danger ne peut être plus clair, le problème est de savoir où il commence. La quête de l’Iran pour les armes nucléaires et la prévention atomique non déclarée mais assumée d’Israël pose la question de savoir qui va frapper le premier. Un nouvel Holocauste se dessine t-il dans la région du Moyen-Orient ? Et ce n’est pas fini, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie voir les pays du Golfe commencent à reconsidérer leurs positions sur un droit d’appartenance au Club.
Ou alors, la menace vient de la Corée du Nord, un membre indétrônable de l’axe du mal cher à Georges Bush. On peut imaginer que le voisinage proche, à savoir le Japon et la Corée du Sud, cherchera à se prévaloir d’un vecteur de protection supplémentaire, en s’équipant de missiles atomiques en guise de « caution ». Ou bien encore, l’arsenal nucléaire de l’instable Pakistan - où les mouvements islamistes extrémistes ont perpétré d’ores et déjà plusieurs tentatives d’assassinats sur le président Musharraf - contribuera à engager cette région vers une spirale infernale. N’oublions pas que l’Inde est doté de la puissance nucléaire et les tensions du Cachemire avaient par le passé conduit les deux pays à l’escalade. Mais il existe également une menace plus sournoise qui vise à franchir l’abîme de l’insupportable, Al-Qaida ou d’autres organisations similaires cherchent à s’équiper de modules non conventionnels, et après l’escalade traumatisante du 11 sept.2001, est-il possible d’imaginer plusieurs attaques dévastatrices à la sauce nucléaire ?
Et pourquoi pas la Russie ? Les doutes autour de sa capacité à assurer la sécurité de son dispositif nucléaire, dont la majorité sort tout droit de l’ère soviétique, et à prévenir la fuite de ses cerveaux au profit d’une meilleure offre ? Il suffit de se rendre à Mourmansk (Mer de Barents), ou dans son environnement proche, pour comprendre que les conditions de sécurité pour prévenir une catastrophe ne sont pas remplies. Les différents sous-marins atomiques qui y rouillent, faute de crédit de la part de Moscou, sont autant de facteurs alarmants pour notre civilisation.
Si un groupe terroriste réussit à développer et à exploiter une bombe ‘sale’ - et le département d’Etat américain prétend avoir d’ores et déjà déjoué des complots du même genre – l’idéologie installée depuis 1945 qui vise à voir une minorité d’Etats posséder une arme dissuasive sera rendue obsolète. Le fait que les Etats-Unis et la Russie ait réciproquement 2000 têtes nucléaires chacun ne changera rien dans la nouvelle donne mondiale. Les menaces ont changé, elles sont à la fois régionalisées et mondialisées, par des organisations qui transcendent les structures étatiques.
Le réchauffement planétaire a indirectement augmenté la proportion des risques. Le nucléaire civil, qui ne produit aucun effet de serre, est de nouveau à la mode. Des centaines de nouveaux réacteurs sont en cours de construction ou en projet. Dans ce second âge nucléaire, de nouveaux paramètres ne manqueront pas d’apparaître à travers les semaines, les mois et les années à venir. Certains prétendent que la fameuse « Doomsday Clock » franchira minuit. La seule question est de savoir, dans combien de temps ?